cérémonie de la première pierre, le 16 novembre 2011

discours prononcé par le Village Vertical


Dans l'immeuble qui se dressera ici en 2013, le Village Vertical occupera la partie Est. Un habitat social et écologique en propriété collective, qui réunira 14 logements et de grands espaces communs. Les futurs habitants construisent ici un immeuble basse consommation, écologique et innovant dans sa conception et ses matériaux. Un cadre de vie qui facilite les rencontres, les solidarités, les échanges et le partage, comme meilleure réponse au consumérisme et à la compétition de chacun contre tous. Le Village Vertical relève de l'habitat social, avec 9 logements sociaux plus 4 logements très sociaux, destinés à des jeunes en parcours d'insertion. Parce que le logement est un droit fondamental pour toutes et tous, et non pas une marchandise. Parce que l'écologie ne peut pas être un luxe réservé à une élite. Parce que trop de ménages modestes, chauffés à l'électricité nucléaire dans des passoires thermiques, sont étranglés économiquement par leurs factures d'électricité. C'est à eux, en priorité, que devraient s'adresser les logements économes en énergie.

Notre société coopérative est l'unique propriétaire des 14 logements du Village Vertical et des parties communes. Tous les ménages sont locataires. Chaque habitante, chaque habitant dispose d'une voix pour décider de manière égalitaire, et pour gérer notre propriété collective démocratiquement, sans spéculation, sans but lucratif. Ici, nous remettons les habitants à leur vraie place : au centre des responsabilités et des décisions, acteurs, et non pas consommateurs. Mais avant d'être un immeuble, le Village Vertical est un groupe humain. Né en 2005, notre projet est parti d'un constat simple : celui de la crise globale d'un système qui brise les vies et détruit l'environnement. Face à cette crise historique, nous voulons agir ici et maintenant, pour développer la solidarité, la coopération et l'écologie, sans attendre que d'autres cherchent des solutions en notre nom ou agissent à notre place.

Six années ont passé. Six années de travail pour voir le chantier commencer aujourd'hui. Six années durant lesquelles cette crise globale n'a pas été résolue, même si de nombreux groupes s'organisent contre elle, sur les cinq continents, et souvent de manière nouvelle. L'urgence sociale, écologique et climatique n'a jamais été aussi forte, mais beaucoup refusent encore de la voir.

La construction de notre immeuble n'est pas notre seul chantier. Nous oeuvrons déjà sur un chantier juridique, pour la reconnaissance, dans la loi française, des particularités des coopératives d'habitants. Sur un chantier financier, car il nous a fallu adapter des outils du logement social, obtenir des garanties publiques et des contre-garanties : en France, pour l'instant, l'initiative citoyenne n'est pas assez encouragée. Sur un chantier architectural, car les normes actuelles favorisent encore les produits et procédés polluants. Réduire le nombre des parkings, installer un toit solaire et des toilettes sèches, éviter les baignoires, isoler avec des matériaux sains, récupérer l'eau de pluie... Autant d'évidences qui nécessitent bien des tractations. Enfin et avant tout, nous oeuvrons sur un chantier humain, celui d'un groupe qui décide collectivement de chaque étape du projet, pour gérer, sur le long terme, un bien commun. Nous travaillons avec sérieux et enthousiasme à ce projet qui s'inscrit dans une transition vers des modes de vie plus sobres et plus solidaires.

D'autres chantiers nous attendent demain : faire vivre un laboratoire d'écologie urbaine, développer l'accueil, nous insérer dans la vie du quartier, accompagner d'autres coopératives,
fédérer un mouvement national... Certains considèrent le Village Vertical comme une sorte de chantier permanent.

Aujourd'hui nous allons trinquer pour notre première pierre, alors nous regardons le verre à moitié plein : nous sommes la première coopérative d'habitants en construction en France, notre chantier démarre sur des bases solides, nous serons dans nos murs avant deux ans. Nous avons participé activement à la conception de notre futur lieu de vie. Nous n'avons pas cédé sur l'essentiel, ni en matière de coût, ni en matière d'écologie. La première pierre du Village Vertical est comme l'un des cailloux blancs du Petit Poucet sur le chemin des dizaines de collectifs qui préparent déjà un projet comparable, comme Chamarel, Haconovi ou coopengerm, présents ici aujourd'hui. Au fil du temps, nous repoussons les frontières du possible. Nous prouvons qu'un petit groupe bien organisé peut agir concrètement à son niveau... à condition de réunir des personnes déterminées, patientes, et qui n'ont pas peur d'assumer leur part des risques. Nous voulons insister spécialement aujourd'hui sur le grand plaisir que nous avons à développer ce projet, à nous retrouver chaque semaine, à travailler au quotidien avec nos différents partenaires, à inventer des solutions, à rêver et créer ensemble.

Car nous avons su créer ici, tous ensemble, une dynamique partenariale efficace et précieuse. En premier lieu avec toute l'équipe de Rhône Saône Habitat, notre co-maître d'ouvrage, et avec l'association Habicoop, qui nous a proposé d'être son projet pilote. Mais aussi avec l'association AILOJ, partenaire de nos logements très sociaux. Avec la ville de Villeurbanne, le Grand Lyon et la région Rhône-Alpes qui nous soutiennent, avec leurs techniciens et leurs élus qui ont su se placer au service de l'intérêt général par l'intermédiaire de notre projet. Avec la Fondation Abbé Pierre, la Fondation de France, le MLAL et tous les militants du droit au logement qui nous encouragent. Avec nos architectes et tous les professionnels qui font avancer le chantier. Nous sommes heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous remercier publiquement, chacune et chacun. Merci d’avoir accepté de prendre, vous aussi, votre part des risques de cette aventure, de changer vos habitudes professionnelles, de prendre le temps de nous écouter, de retourner aux sources de vos métiers : répondre aux besoins réels des individus.

Mais nous n'oublions pas que le verre est aussi à moitié vide. Les obstacles juridiques et réglementaires restent énormes pour les projets alternatifs. La réalisation est longue et complexe, et la reproductibilité du projet n'est pas encore acquise. Pourtant les urgences sociale et climatique demandent de nouvelles solutions. Des centaines de personnes dorment dehors toutes les nuits à Lyon, alors que l'agglomération compte des milliers de logements vides. Face au grand incendie planétaire, nous nous sentons aussi petits que le colibri qui vole pour larguer une goutte d'eau sur les flammes. Nous faisons simplement notre petite part du travail, en espérant que nous donnons envie à d'autres de s'engager pour une humanité respectueuse de la vie, juste et solidaire.


Merci de votre présence, de votre soutien et de votre attention, et rendez-vous en 2013 pour pendre la crémaillère verticale !